« Seul les enfants savent aimer » lu par l’auteur (Lizzie édition)
« L’enfance et ses blessures, sous la plume de Cali. Seuls les enfants savent aimer. Seuls les enfants aperçoivent l’amour au loin, qui arrive de toute sa lenteur, de toute sa douceur, pour venir nous consumer. Seuls les enfants embrassent le désespoir vertigineux de la solitude quand l’amour s’en va. Seuls les enfants meurent d’amour. Seuls les enfants jouent leur coeur à chaque instant, à chaque souffle. À chaque seconde le coeur d’un enfant explose. Tu me manques à crever, maman. Jusqu’à quand vas-tu mourir ? Seuls les enfants savent aimer est lauréat du Prix Méditerranée Roussillon 2018 » et prix 2018 du festival « Les écrivains chez Gonzague Saint Bris ».
Je sais son regard blanc sur son lit mortuaire Et l’épée de poison qui transperça mon père Je sais les dos voûtés sous les tristes nouvelles Et je sais les bruits sourds je sais les coups de pelle Je sais les voix fanées qui s’habillent d’excuses Et celles trop huilées emmaillotées de ruses Je sais les longues nuits à courtiser la mort Pendu aux mots blanchis à la chaux du remord
Mais ne me demande pas Pourquoi elle s’en va Je ne sais pas
Je sais tous les amis qui se troquent des rêves Aux bras de mots jaunis au goulot où l’on crève Je sais toutes ces heures enfilées en collier Qui oeuvrent pour la mort sans vraiment s’en douter Et je sais que la pluie ne lave rien du tout Qu’elle aide juste notre ennui à tenir jusqu’au bout Je sais ces heures lentes qui gravissent la nuit Et la lune élégante qui de travers sourit
Mais ne me demande pas Pourquoi elle s’en va Je ne sais pas
Je sais qu’il manquera toujours quelqu’un en bout de table Et je sais oh combien tu étais désirable Je sais la solitude et ce goût de sang dans la bouche La misérable habitude de finir seul dans sa couche Je sais les tours joués par le goût de l’impossible Je sais l’amour qui meurt dans des souffrances horribles Je sais qu’à trop se retourner on tourne le dos au bonheur Le reflet du visage déformé dans un lac de douleur
Je sais les pieds gonflés à courir après un salaire Je sais les coeurs rouillés qui ne partiront plus en guerre Je sais les doigts transis qui ne serrent plus en poing Et je connais l’amour terroriste poseur de bombes ou de lapins Je sais ces grises épaves qui bavent sur la vie Et leur sourire grave vissé par le mépris Je sais ces nuits rassises où le sommeil nous laisse Seuls avec nos pires ennemis et criblés de détresse
Mais ne me demande pas Pourquoi elle s’en va Je ne sais pas Je ne sais pas
« Annie Girardot », septième chanson de l’album « les Choses défendues » de Cali (2016). Le sujet de cette chanson n’est pas l’actrice Annie Giradot. Cali raconte le jour de l’enterrement de sa mère. Il se souvient du regard de son père qu’il compare avec celui d’Annie Girardot dans le film de Claude Lelouch « un homme qui me plaît ». L’actrice attend son amant ( Jean-Paul Belmondo) dans un Aéroport. Celui-ci n’arrivera jamais… « Je ne vais pas mourir tout de suite ou bien je vais mourir jusqu’au bout » : cette phrase, souvent prononcée par son père, raisonne dans la tête du chanteur. Nous retrouvons ces mots dans le roman de Cali « Seuls les enfants savent aimer » : « Je ne vais pas mourir tout de suite mais je vais mourir jusqu’au bout. Depuis que papa a prononcé cette phrase devant votre lit, je la vois ricocher contre les murs, tous les murs »…
Nous étions tous allongés Les quatre enfants autour de leur père Les volets étaient tirés Seules quelques larmes de jour osèrent Se glisser dans la chambre froide et triste C’était deux jours après C’était un 5 janvier Nous étions tous les cinq allongés
Mon père nous rassembla Avec ses deux bras très forts Il ne parlait pas perdu comme Annie Girardot à l’aéroport Nous pleurions tous les cinq Enlacés sur leur lit Un fagot de chagrin Jeté sur leur grand lit Il venait d’enterrer sa femme En début d’après-midi
Je ne me souviens pas des quelques mots Qui ont réussi à sortir de sa barbe C’était peut-être de jolis mots Je ne me souviens que de sa barbe Je ne vais pas mourir tout de suite Ou bien je vais mourir jusqu’au bout Je ne me souviens plus de ses mots Ni de grand-chose Moi, j’étais glissé en dessous
Nous pleurions tous les cinq Enlacés sur leur lit Un fagot de chagrin Jeté sur leur grand lit Il venait d’enterrer sa femme En début d’après-midi On ne se rappelle pas de tout Mais jamais on n’oublie